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Le monde étrange d'Aloys Alzheimer

22 février 2025 - La promenade

Avec mes petites-filles, nous marchons sur un trottoir, dans une rue où il y a beaucoup d'animation, de circulation et de passages piétons.

  • Mais tu fais quoi Mamie ?
  • Euh... Je marche !
  • Mais alors d'une drôle de façon ! Tu es toujours derrière moi, pas facile pour se parler. Ta tête, on dirait un gyrophare, tu la tournes dans tous les sens ! Quand on traverse, tu lèves les mains ! Tu fais quoi ?

Je marche, tout simplement. Je marche comme si j'étais avec JM. C'est incrusté dans mon cerveau. C'est un comportement devenu naturel....

Si je marche un peu derrière, c'est pour voir ce qu'il se passe devant, et être prête à réagir si JM trébuche, s'il tombe ou s'il se rapproche trop du bord du trottoir.

Le gyrophare, c'est parce que je surveille tout. Le plus souvent, les personnes qui arrivent face à nous se déportent. Mais pas toutes ! Celles qui ont le nez plongé dans leur téléphone, ou sont en pleine discussion avec une autre personne, foncent tout droit. Avec de la chance, au dernier moment, elles nous voient. Ou ne nous voient pas, et c'est à JM de se décaler, au risque de faire un faux pas et se déséquilibrer. Celles qui roulent à trottinette électrique ou à vélo sur le trottoir ignorent totalement l'usage de la sonnette, même si elles arrivent derrière nous. On ne les entend pas arriver. Elles font alors un va-t-à droite ou un va-t-à gauche qui surprend et là encore risque de déséquilibre pour JM. Les parapluies, qui sont toujours plus larges que ce que pensent ceux qui les portent. Les chariots à roulettes, qui ne roulent pas obligatoirement droit. Les chiens tenus en laisse qui baguenaudent à droite ou a gauche, transformant leur laisse en obstacle. Les voitures garées sur le trottoir qui redémarrent. Celles qui montent sur le trottoir pour se garer. La végétation qui déborde des clôtures, nous obligeant à descendre sur la rue. Les voitures qui tournent un peu vite et sans clignotant. Les plaques d'égout disjointes, les poubelles, les poteaux, les abribus... Je surveille tout.

Traverser ! Spontanément me sont revenus les reflexes du temps où j'étais monitrice de colo. Se mettre en protection devant les voitures. Lever la main pour leur faire comprendre qu'on traverse. Il y a quelques mois, j'ai acheté un anorak bleu ciel. Parce que la couleur me plaisait. C'est vraiment une bonne idée de porter une couleur claire, car on me voit bien mieux que si je portais un manteau noir.

Et malgré tout ça, rien n'empêche JM de s'arrêter au milieu d'un passage piétons.

  • Regarde ! C'est un rapace, sans doute une buse.
  • Oui, mais avance !
  • Mais non, si j'avance, on ne va plus le voir....

Je repense à ce que nous a dit un médecin :

  • Une demi-heure de marche par jour, ce n'est rien !

A quoi je répondrais :

  • Une demi-heure, cela n'existe pas. C'est une heure, voire une heure trente. Se préparer. Mettre les chaussures de marche. Mettre le manteau. Ne pas oublier le bonnet, l'écharpe, les gants, les lunettes de soleil, le téléphone. Prendre un en-cas, une bouteille d'eau. Ne pas oublier la canne, le siège. Marcher tout doucement. Admirer les fleurs et en chercher le nom avec mon appli. Observer les petits animaux, les canards, les poules d'eau. Chercher les moutons de l'écopâturage. Regarder les gens, les voitures, les camions, les maisons. Identifier les sons. Un oiseau ? Quel oiseau ? Une grenouille ? Où ? Des canards ? Un avion ? Tu le vois ? Trouver des trésors par terre, les ramasser (pas facile !), les examiner, essayer de comprendre ce que c'est. Rentrer. Se déshabiller. Retirer les chaussures. Tout ranger : la canne, le siège, les vêtements... Une heure trente, c'est le minimum.

 

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Le monde d'Aloys

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S
Toutes ces petites embûches qui paraissent anodines, et deviennent de véritables d'obstacles pour votre mari et donc pour vous aussi dans l'accompagnement. .
Répondre
J
C'est fou ce qu'on peut découvrir comme obstacles sur un parcours assez simple. Je me souviens d'un expérience ancienne : marcher dans une rue à Paris avec une valise à roulettes ! Rien de mieux pour comprendre tous les obstacles qui existent pour les personnes à mobilité réduite, qu'elles soient en fauteuil ou pas.