Le monde étrange d'Aloys Alzheimer
JM avait trouvé seul la boîte de thé. Un matin, toujours sur la table du petit-déjeuner je trouve deux pots de miel. Un presque vide - que j'ai posé la vieille-, et l'autre plein - que JM a sorti.
Je suis à l'extérieur. Mon téléphone sonne : c'est lui ! En panique, je décroche. Il m'explique qu'il a besoin de colle pour terminer sa maquette.
On frôle les 35 degrés. Mais JM refuse de quitter son sweet-shirt à manches longues et bien chaud. Soit ! Je pars en courses, et à mon retour, il porte un T-shirt à manches courtes. Je m'étonne.
Et alors, je fais ce que je fais très bien : je culpabilise. Finalement, j'exagère, il peut faire plein de choses. Et même se servir du téléphone.
Et puis, dans le même temps...
Comment peut-on perdre une assiette de soupe ? C'est assez simple. Vous remplissez une assiette et au lieu de la mettre dans le micro-ondes, vous la mettez au réfrigérateur. Plus tard, c'est l'heure du repas : vous allez chercher l'assiette dans le micro-ondes : elle a disparu !
La température a chuté de presque 20 degrés en deux jours. Je retrouve JM assis recroquevillé dans le canapé.
Oui, le fameux T-shirt à manches courtes ne convient plus. Je vais chercher un sweet, et ça va mieux.
Nous partons pour le marché. Il fait un peu chaud, mais le matin c'est supportable. Pendant que je fais la queue devant un étal, JM est assis à l'ombre sur le siège que je transporte partout. Après avoir un peu râlé, parce que "l'ombre est chaude ici". De l'autre côté de la rue, un homme hurle après un chien. Une dame me dit : "Ne vous inquiétez pas, celui-là on le connait tous.". JM a entendu les cris, je vois qu'il n'est pas bien. Je vais le rassurer. Arrive une fanfare, percussions et flutiaux très aigus. Tout le monde a le sourire, mais quand je retrouve JM, il est au bord du malaise. Une chance qu'il soit assis.
Il met plusieurs minutes à se remettre, arrive à se lever, vacille. Nous partons. Objectif : quitter le marché rapidement, sans croiser la fanfare ! Rapidement et doucement, tout doucement.
Un aller-retour incessant entre ce qu'il peut faire et ce qu'il n'arrive même plus à imaginer.
Une obsession : "je vais m'ennuyer", sans imaginer ce qu'il pourrait faire si je ne lui montre pas les activités en attente.
Oublier des gestes récurrents, comme mettre de l'eau dans la bouilloire avant de l'allumer. Ou sortir les tranches de pain du grille-pain, qu'il a lui-même coupées et déposées dans l'appareil.
Etre étonné par ce que je lui dis : "Aujourd'hui, douche !" et la réponse, toujours la même : "Encore !".
Une fascination grandissante et envahissante pour les oiseaux, les fleurs, les arbres, en promenade, mais aussi à la télé.
Des fulgurances au niveau technique, et une incapacité à envisager des solutions aux questions quotidiennes.
Quel sera le verdict de la personne qui doit venir pour l'APA ? Le rendez-vous est pris...