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Le monde étrange d'Aloys Alzheimer

15 juin 2024 : Je suis devenue une aidante

Le rendez-vous avec le "Centre Mémoire". Au programme : des tests, une IRM, puis le rendez-vous avec le neurologue.

Il a passé les tests. Puis, je suis entrée dans la salle. Une très gentille dame, tout sourire, très rassurante : "Ne vous inquiétez pas, tout va bien !". JM était épuisé. La dame était vraiment gentille. Mais sa gentillesse a déclenché une tornade !

J'ai passé deux semaines en enfer ! Si tout allait bien, alors, c'est moi qui partais en vrille ! Moi qui me faisais du cinéma, moi qui le rabaissais, moi qui délirais et inventais des choses qui n'existaient pas ! Un vrai cauchemar. J'étais trop exigeante pour un homme de son âge, je ne comprenais rien, je me faisais un film noir, sans raison...

Jusqu'au jour où nous avons reçu le résultat de l'IRM. Un compte-rendu auquel je ne comprenais rien. J'ai pris des morceaux de phrases du compte-rendu, celle qui me paraissaient les plus obscures, celles qui semblaient répondre à mes questions. Je les ai tapé dans le moteur de recherche de Google, et... j'ai fini par comprendre que non, je ne délirais pas, que la maladie était bien là. J'ai pu comprendre les tâches blanches sur l'IRM. "Troubles cognitifs", "maladie neurodégénérative" : j'ai lu et relu des pages et des pages sur des sites médicaux pour m'imprégner ce que signifiaient de ces termes.

C'est terrible d'écrire cela : mais ce compte-rendu m'a calmée. Il m'a permis de mettre des mots sur les maux que nous vivions. C'est terrible d'écrire que la confirmation de la maladie m'a soulagée. Je pouvais "nommer" les choses et envisager la suite de façon plus cohérente, en arrêtant de me heurter à des murs. Je pouvais envisager d'apprendre à vivre avec la maladie, de me rapprocher de "sachants" qui allaient m'aider à gérer la situation, qui allaient me donner des clés pour comprendre et soulager sa détresse. Pour mieux gérer notre vie, éviter de le mettre dans des situations impossibles qui l'angoissaient. Et l'accompagner le mieux possible.

J'attendais beaucoup du rendez-vous avec le neurologue. J'attendais un diagnostic, j'attendais des conseils, j'attendais.... Trop, beaucoup trop ! Il a prononcé les mots "troubles cognitifs", et "sans doute maladie neurodégénérative". Des conseils : aucun. Très vite "Il n'y a pas de traitement". Tout de même, il a fait une ordonnance pour que nous rencontrions une équipe spécialisée. Et avant que nous sortions, avec un sourire chaleureux : "Madame, le meilleur traitement, c'est vous !".

Déception totale. Je comprends qu'un neurologue n'a aucune prise sur cette maladie, qu'il n'a rien à dire, rien à proposer, car il n'existe aucun traitement. Il était gentil... Ah, j'oubliais : "On se revoit dans un an !".

Une chose qui m'a mise en colère : aucune question sur la conduite d'une voiture, aucune proposition de faire un signalement, de demander une visite médicale spécifique. Ben non, je suis le "meilleur traitement", alors, à moi de gérer la question ! A moi de trouver une solution, à moi de ruser pour qu'effectivement JM ne conduise plus ! J'ai donc rusé, avec l'histoire de la Fiat. Et JM a bien accepté de ne plus conduire. Je pense qu'au fond de lui-même, il savait qu'il n'avait plus les réflexes, il savait qu'il n'était plus en état de conduire.  Vraiment, j'aurais préféré que ce soit une personne représentant "l'autorité" qui lui dise. Que ce ne soit pas à moi de gérer cette question.

Et la vie a repris son cours. Un jour, je suis allée consulter ma médecin. Elle était en congés, et c'est le médecin de JM qui la remplaçait. Nous avons bien entendu dériver sur la maladie de JM. J'étais un peu au fond du trou. Il m'a demandé :

  • Que se passera-t-il si vous avez une maladie, ou une hospitalisation même de courte durée, puisque vous dites vous-même qu'il ne peut plus vivre seul ?
  • Je ne sais pas

Il m'a regardé droit dans les yeux : 

  • Et bien, il faut savoir !

Merci Docteur(s) ! Vous êtes très compétents, vous avez plein de savoirs, mais vous savez aussi très bien reporter la responsabilité d'une situation qui pourrait devenir ingérable sur d'autres, et en l'occurrence sur moi ! Sans trop vous inquiéter de savoir comment je peux gérer, si je suis en capacité de le faire, si je sais vers qui me tourner, si nous arriverons à vivre, tout simplement à vivre cet avenir qui s'obscurcit !

Et au passage, vous avez fait de moi une "aidante", sans m'expliquer ce que cela signifiait, sans me donner les clés, sans trop vous préoccuper de savoir si j'en étais capable. Vous m'avez tout simplement investie d'une mission, sans savoir si je pouvais remplir cette mission.

 

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Le monde d'Aloys

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