Le monde étrange d'Aloys Alzheimer
Aujourd'hui, je ne sais pas si la mort me fait peur, que ce soit la mienne ou celle de mon époux.
Par contre, j'ai très peur de ce qui va se passer avant. Oui, j'ai peur.
J'ai vécu une expérience traumatisante avec ma mère. Alzheimer, mais elle est décédée d'un cancer foudroyant : moins de deux mois. Nous, ses six filles, ensemble, nous avons demandé au médecin d'arrêter ses souffrances, car elle a souffert de soins invasifs, douloureux et inutiles. Elle a même subi une opération, totalement inutile (2 semaines avant son décès) , sans que sa Tutrice légale en soit informée. Réponse méprisante : "Je suis Médecin, et je sais ce que je dois faire". Ma mère est décédée seule, à 6 heures du matin, un 15 août, alors que toutes ses filles étaient à portée de téléphone.
Autre expérience très dure avec la mère de JM. Après un AVC, elle déclinait doucement, dans le service de Long Séjour d'un hôpital. Un jour, un arrêt cardiaque. On nous appelle, nous accourons. Nous sommes reçu par un médecin qui nous dit d'emblée "Nous avons fait une erreur". "Quelle erreur ?". "Nous l'avons réanimée". Oh oui, c'était une erreur. Elle a (sur)vécu encore quatre ans. Quatre ans figée dans son corps en position quasi-fœtale. Quatre ans sans un regard, sans une parole, sans un mouvement. Nourrie et abreuvée à l'aide d'une grosse seringue qu'on lui mettait dans la bouche. Aucun appareillage. Car son cœur a tenu quatre ans !
Je ne sais pas où en sont les débats sur les lois de fin de vie. Il y a tant d'actualités bien plus importantes que la fin de vie...
Mais ce que je sais, c'est que si la loi ne prend pas en compte les paroles des familles, elle ne servira à rien. "On" en est toujours à penser que les familles n'ont qu'un but : se débarrasser d'un problème encombrant. Même s'il n'y rien, absolument rien à gagner en termes d'héritage. Même si tous les proches ne demandent qu'une chose : "Arrêtez de la-le faire souffrir". Même si leur demande n'est pas la mort, mais l'arrêt de la maltraitance à travers des soins inutiles, douloureux. Alors ... les personnes en fin de vie continueront à souffrir inutilement, parce qu'un médecin l'aura décidé, et que son jugement sera sans appel.
Directives anticipées, jugement de tutelle, tout cela ne sert à rien. Le médecin (j'allais écrire le Dieu-Médecin) décidera. Par exemple, l'Habilitation familiale couvre aussi la personne de mon mari = sa santé. "Sauf urgence". Et l'urgence, qui la décrète ? Le médecin...
"On" va nous promettre des soins palliatifs, des solutions douces. Qui les mettra en œuvre ? Je ne parle même pas des difficultés à trouver les financements pour ces services. Qui prendra la décision ? Entendra-t-on la parole des familles ? Qui décidera ? Le médecin.
Oui, je le reconnais, j'ai perdu confiance envers les médecins. Mais chut ! C'est terrifiant de se dire "Il vaudrait mieux...". Une culpabilité en plus sur nos épaules. Devrais-je vous le dire ? "On" m'a dit "Si tu sens qu'il part calmement, attends avant d'appeler les secours. Tiens lui la main, et attends...".