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Le monde étrange d'Aloys Alzheimer

5 otobre 2024 : Moments de vie

  • Oui, ça ne marche pas ! Non, ce n'est pas toi, ce n'est pas moi, ce n'est pas ton ordinateur ! C'est le site qui ne marche pas ! Et ça fait au moins dix fois que je te le dis....

STOP ! Je ferme les yeux, je respire profondément. C'est vrai que j'ai expliqué au moins dix fois à JM que le site ne fonctionne pas. C'est vrai que je lui ai expliqué au moins dix fois comment contourner le problème.

Mais il est inutile de m'énerver. Cela ne sert à rien. Demain ou dans quelques jours, il retournera sur ce site, à nouveau il s'énervera parce qu'il n'arrive pas à accéder à ce qu'il veut. A nouveau il se mettra en colère. Et à nouveau je devrais lui expliquer comment faire pour s'en sortir.

Une fois la solution trouvée, il se calme, et fait ce qu'il voulait. Et moi... Je m'en veux. Je m'en veux de m'être énervée, je m'en veux, je culpabilise, car je sais que cela ne sert à rien. Sauf à le désorienter...

Inutile de m'énerver. Même lorsqu'il me contredit devant d'autres personnes.

  • Mais, tu m'as dit hier que tu ne voulais plus ....
  • Moi ? Je n'ai pas dit ça ! (il prend les personnes autour de nous à témoin). Elle n'a rien compris. Je n'ai jamais dit que je ne voulais pas ...
  • (variante) Moi ? Je n'ai pas dit ça ! C'est toi qui l'a imaginé.

Inutile. Car demain, il aura oublié, et pourra me dire :

  • Quand même, je t'avais dit que je ne voulais plus...

Ou la situation inverse.

  • Bon, j'ai tout préparé, on va pouvoir aller à ....
  • Mais, je t'ai dit que je ne voulais plus y aller...

Inutile d'argumenter.

  • OK, on n'y va pas.
  • Ben oui, je sais bien que je ne veux pas y aller.

Des exemples comme ceux-là, j'en ai plein.

Les avions ! Nous avions trouvé un club, mais assez loin. J'ai tout organisé pour que nous puissions nous y rendre. Une première fois, aller-retour dans la journée, beaucoup trop fatigant, pour lui comme pour moi : je suis en tension permanente (tout prévoir, tout organiser, tout gérer, tout contrôler) et je dois conduire. Une seconde fois, sur deux jours, avec une nuit passée dans un gîte. Très bon accueil des modélistes locaux. Il était heureux. Une belle journée. Mais le soir, dans la voiture : "C'est trop loin, je ne veux plus y aller". D'accord.

Nous avons trouvé un autre club, bien plus près. Là encore, très bon accueil, avec des modélistes prêts à l'aider. Mais le terrain ne se prêtait pas à sa pratique. Il m'a dit : "C'est fini, les avions, c'est fini".

J'avoue, j'étais soulagée, car ces journées étaient vraiment très difficiles à organiser. Et là encore, il fallait que je prévois tout : trouver le lieu (par définition toujours perdu en pleine campagne) ; les repas ; l'hébergement  ; les médocs ; les vêtements ; et même vérifier avec lui que tout le matériel était prêt.

Et donc, les avions, c'est fini. Jusqu'à hier :

  • Elle est bien la nouvelle voiture. Mais elle est trop petite pour mes caisses d'avions.
  • Mais... Tu m'as dit que tu ne voulais plus faire voler tes avions.
  • J'ai dit ça ? Quand ? Parce que mes avions, c'est toute ma vie.
  • Tu m'as dit que c'était trop fatigant.
  • Oui... Peut-être... C'est trop fatigant...

Et la saga des lunettes ! Depuis son opération de la cataracte, il avait des lunettes uniquement pour voir de près. Lunettes qu'il retirait et posait n'importe où. 

  • J'en ai assez de ces lunettes. Je veux des lunettes que je porte tout le temps, comme avant !

Rendez-vous chez l'ophtalmo, puis chez l'opticien. Il a maintenant des lunettes à verres progressifs, qu'il peut porter en permanence. Et qu'il retire sans arrêt !

  • Pourquoi tu veux que je garde mes lunettes sur le nez ? Je n'en ai pas besoin, sauf pour voir de près.

Et on revient à la case départ :

  • Où sont mes lunettes ?

Par contre, la question du téléphone portable est réglée définitivement : abandon total. Nous avons acheté un gros téléphone fixe, avec de grosses touches et cinq ou six numéros préenregistrés et clairement identifiés. Une chose est certaine, ce téléphone, on ne le perdra pas. Mais s'il sonne, il panique. J'espère qu'en cas de besoin, il pensera à s'en servir, pour appeler au secours par exemple. Mais je n'en suis pas certaine.

Ce n'est rien. Ce ne sont que des tout petits moments désagréables. Ce n'est rien. C'est juste stressant, fatiguant, car je dois alors me contrôler, ne rien dire de trop brusque. Pour qu'il ne s'énerve pas. Pour ne pas voir la détresse dans ses yeux. Le monde d'Aloys est épuisant !

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Le monde d'Aloys

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C
Mon Dieu, Marie, être forte pour deux ! Comme ce doit être dur ! Aurai-je le même courage, si j'étais confronté à cette maladie ? <br /> Merci pour tous ces moments partagés.<br /> courage, Christiane
Répondre
J
Mes récits sont en fait tout doux. Rien à voir avec certains récits où la violence, les menaces et la peur sont le lot quotidien des aidant(e)s. C'est peut-être une question d'âge. La maladie semble évoluer moins vite chez une personne âgée par rapport à une personne de 60 ans. De plus, la force physique diminue avec l'âge, Alzheimer ou pas. Ce qui est difficile, c'est au contraire le manque de réactions, la difficulté à savoir si ce que je propose lui convient ou pas. Il bougonne... sans plus. Ce qui est difficile, c'est le manque de dialogue, c'est de savoir que tout repose sur mes épaules, Que je prenne une bonne ou une mauvaise décision, je suis seule à la prendre. J'en arrive à regretter nos engueu....