Le monde étrange d'Aloys Alzheimer
Cela m'est tombé dessus, sans prévenir. Je n'ai rien vu venir.
Ce matin, jour de marché. Lever normal, p'tit dej normal.
JM va dans la salle de bain. Il en ressort un peu plus tard. Je prépare mes affaires, et... je me fige !
JM est assis dans le canapé, en larmes. Je lâche tout, je vais vers lui, je le prends dans mes bras, en lui demandant ce qu'il lui arrive. Il pleure et parle en même temps. Je comprends quelques mots : "fin de vie", "normal", "tout le monde s'en fout", "froid".
J'arrive à le calmer, un peu.
J'arrive à recoller les morceaux. C'est vrai que j'ai mis le chauffage un peu tard. Mais je pense que le vrai problème, c'est la panne du chauffe-eau. Se laver à l'eau froide, très froide...
Tous les autres : le plombier qui n'a pas réussi à dégager du temps, le garagiste qui nous mène en bateau avec une histoire de radar de recul qui n'a jamais fonctionné (mais qui a bien été payé), les banques qui se tirent dans les pattes et cela devient l'enfer pour transférer un simple livret A...
Même si je n'implique pas directement JM dans tout ça, j'en parle. Difficile de lui cacher la panne du chauffe-eau ou celle du radar de recul ! D'autre part, il entend les conversations téléphoniques, parfois un peu âpres.
Au-delà de tout ça... Il parle peu de ce qu'il pense ou ressent. Il s'en veut de ne pas pouvoir intervenir efficacement. Et parfois, cela explose.
Et encore au-delà... Je suis stupéfaite de l'emprise que j'ai sur lui. Un simple "Allez, zou..." devient un ordre qu'il lui est impossible d'ignorer. Il suffisait qu'il sorte de la salle de bains ; j'aurais fait chauffer de l'eau... Mais non, j'avais dit "Allez, zou...". Contrôler mes mouvements de colère, oui. Mais contrôler tout ce que je dis, c'est impossible, surtout si pour moi c'est juste banal...
Nous allons arrêter toutes les activités extérieures. C'est inutile. En fait, ce n'est pas inutile, mais le stress engendré pour JM est trop lourd : "Tu me balades partout". Je pensais que voir d'autres personnes lui ferait du bien. Je ne le pense plus. Revenir aux promenades, tous les deux. Aller au marché, se promener dans le parc, aller dans des magasins qui lui plaisent - sans courir, sans se presser, le laisser regarder tout ce qu'il veut regarder...
Pour finir, nous avons terminé tous les deux en larmes. Puis, nous nous sommes repris. Nous sommes allés au marché, nous avons acheté plein de noisettes, d'amandes, de noix de cajou et de raisins secs. Doucement, calmement...
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